Les derniers confettis du PCF ( Parti Communiste Français ), la bête bouge encore...
On nous disait morts, mais je peux vous l'assurer, la bête bouge encore." Alain Bocquet, président du groupe communiste et républicain (PCR) à l'Assemblée nationale, veut y croire. "On ne s'est pas mal tenus dans la tourmente, on s'attendait à pire",
confie-t-il. Après le premier tour des élections législatives, qui l'a
vu engranger 4,29 % des voix, le Parti communiste français (PCF) fait
ses comptes : ses dirigeants espèrent sauver entre douze et quinze
députés, dimanche, au second tour.
Si la vague bleue de la majorité présidentielle a emporté de nombreuses circonscriptions de gauche, "le PCF a résisté mieux que prévu",
souligne Frédéric Dabi, directeur du département d'opinion publique de
l'Ifop. Le score très faible de Marie-George Buffet à la présidentielle
(1,93 %) laissait pourtant présager un dimanche noir pour les
communistes. Mais finalement, leur score est légèrement supérieur à
celui des élections législatives de 2002. "Il s'est passé à cette
élection ce qui se passe depuis 1981 : le Parti communiste fait
toujours mieux juste après la présidentielle qu'à la présidentielle
elle-même", ajoute Frédéric Dabi.
Au soir du premier tour, les élus du PCF se sont voulus combatifs. "Nous ne renonçons pas, le Parti communiste n'est pas mort",
lâchait Marie-George Buffet après l'annonce des résultats, dimanche
dernier. Quatorze candidats communistes sont en position de conserver
un siège à l'Assemblée, dont sept en Ile-de-France. Quatre autres sont
en position difficile. Enfin, le PCF a d'ores et déjà perdu quatre
sièges de sortants, sur les vingt et un dont il disposait.
Pour Frédéric Dabi, le parti se maintient là où subsistent des "passions communistes", "des confettis électoraux, avec des élus locaux fortement implantés".
C'est notamment le cas dans le Val-de-Marne, où le maire
d'Ivry-sur-Seine, Pierre Gosnat, devrait pouvoir conserver le siège de
Jean-Claude Lefort, dans l'ancienne circonscription de Maurice Thorez,
acquise depuis 1925.
Mais si quelques bastions communistes, dans
le Nord ou la Seine-Saint-Denis, semblent avoir tenu, les pertes dès le
premier tour sont importantes ailleurs.
A Marseille, pour la
première fois depuis le Front populaire, il n'y aura pas de député
communiste : le sortant Frédéric Dutoit ne sera même pas présent au
second tour. Le PCF disparaît aussi de l'Isère, en perdant dès le
premier tour la circonscription d'Echirolles, détenue par Gilbert
Biessy depuis 1993.
Surtout, avec moins de vingt députés, les
communistes devraient perdre leur groupe à l'Assemblée nationale.
Depuis la Libération, le PCF était parvenu à maintenir son groupe
parlementaire, sauf en 1958 lors de l'arrivée au pouvoir du général de
Gaulle.
La disparition du groupe PCR (communiste et républicain)
à l'Assemblée représenterait une perte en terme de visibilité et de
moyens d'expression. Mais elle aurait aussi des conséquences
financières. Le PCF touche 4,5 millions d'euros de ses parlementaires
(députés, sénateurs, députés européens), sur un budget annuel de 13
millions d'euros. La perte d'une dizaine de députés pourrait grever
sérieusement les finances du parti. Et alimenter les rumeurs, démenties
par la direction mais bien vivaces en interne, de mise en vente de
certaines œuvres d'art lui appartenant. Voire du siège historique de
l'organisation, place du Colonel-Fabien.
Officiellement, "l'objectif d'un groupe parlementaire communiste et républicain à l'Assemblée est parfaitement réalisable",
affirme Patrice Cohen-Seat, proche de Marie-George Buffet. Mais, en
coulisses, certains envisagent la création d'un groupe avec d'autres
formations, comme le Mouvement républicain et citoyen (MRC) de
Jean-Pierre Chevènement, les radicaux de gauche, voire les Verts. "Tout
est ouvert, estime Alain Bocquet, le groupe communiste est par
définition un groupe ouvert… et on a bien fait un groupe avec le MRC au
Sénat !" Une option qui ne fait pas l'unanimité au sein des militants les plus orthodoxes.
Car
le plus dur est à venir pour le PCF. S'il peut tenir électoralement, il
n'échappera pas à ses débats internes. Chaque courant compte bien
utiliser le résultat des élections pour justifier un changement de
direction politique. Et les orthodoxes le recentrer le parti sur son "identité communiste".
Mais les proches de Robert Hue, partisans d'une alliance avec le PS,
veulent peser pour un rapprochement durable avec les socialistes.
A l'inverse, les "communistes unitaires", comme le député de Saint-Denis Patrick Braouezec, veulent provoquer une recomposition avec d'autres forces la gauche radicale.
Mais
les partenaires manquent : le Parti socialiste, tout à ses débats
internes, ne considère plus le PCF comme un interlocuteur privilégié.
Et, sur sa gauche, la LCR compte bien capitaliser sur le score
d'Olivier Besancenot à la présidentielle, pour devenir le centre de
gravité de la gauche antilibérale. "On ne peut jamais prévoir la
fin d'un parti, avance prudemment Frédéric Dabi, mais il est clair que
le PCF subit une érosion constante." Car, quel que soit le score de
dimanche, une autre échéance électorale se dessine déjà pour les élus
communistes : les élections municipales de mars 2008. Et beaucoup
craignent de voir, cette fois-ci, les bastions s'écrouler.
Source Le Monde
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